Chaque année (depuis 1996
et l’application du plan Juppé de 1995) les députéEs votent au
mois de décembre la loi de financement de la sécurité sociale,
pour l’année suivante. Depuis des années c’est l’occasion
pour les différents gouvernements, au nom de la nécessité de faire
des économies, d’étrangler un peu plus la Sécurité Sociale et
de réduire l’offre publique de santé au profit du privé.
Le Projet
de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS
2018)
ne dérogera pas à la règle.
Voté en première lecture à
l’Assemblée Nationale, discuté en ce moment au Sénat, il doit
être voté définitivement à la mi-décembre.
Dans le droit fil de la
déclaration de politique générale du premier ministre Edouard
Philippe, devant l’Assemblée Nationale le 4 juillet 2017, la
soi-disant réduction des déficits
est le maître mot
de ce PLFSS 2018.
La nouvelle ministre de la
santé, Agnès Buzyn, n’hésite pas à utiliser les grosses
ficelles et les plus gros mensonges pour justifier les nouvelles
coupes dans les dépenses de santé prises en charge par la Sécu.
Elle déclare : « Nous
allons fermer les lits qui ne servent à rien, ou les réorienter
vers de nouveaux besoins ».
Pour juger de la pertinence de
cette affirmation, il suffit de se rendre dans les services
d’urgences, comme à Trousseau pour le CHU de Tours, et d’y voir
les malades qui attendent des heures sur des brancards, dans les
couloirs, qui attendent des jours dans l’Unité d’Hospitalisation
de Courte Durée (UHCD, 24h) que des lits se libèrent dans les
services bondés de l’établissement.
Les mesures concrètes
contenues dans le PLFSS 2018.
1/ L’ONDAM (Objectif
National des Dépenses d’Assurance Maladie).
L’ONDAM fixe le montant
prévisionnel des dépenses de l’assurance maladie pour l’année
à venir. Chaque année il est censé progresser pour prendre en
compte l’évolution générale des dépenses.
Pour 2018, la cour des comptes
évalue cette progression, due à l’augmentation tendancielle
naturelle, à + 4,5%.
Et quel taux de progression
fixe le PLFSS 2018 ? + 2,3 % !
Cela implique donc des
économies d’un montant de 4,2 milliards d’euros. Et dans ces 4,2
milliards d’économies, les hôpitaux publics devront en faire 1,4
milliard. Cette somme correspond à 31500 postes !
Le CHU de Tours doit être
considéré comme un bon élève avec son projet de restructuration
qui implique la suppression d’au moins 400 postes de titulaires, et
le double si on y ajoute les emplois précaires (contractuel-les).
2/ Le CICE (Crédit Impôt
pour la Compétitivité et l’Emploi).
Enorme cadeau fait au patronat
par le gouvernement Ayrault/Hollande en 2013, ce crédit d’impôt
(déjà scandaleux) d’un montant de 20 milliards d’euros par an
va être transformé… en
exonération de cotisations sociales !
C’est donc autant de recettes
en moins pour la Sécurité Sociale. Le déficit de la Sécu pour
2017 est annoncé à 4,4 milliards. Cette exonération représente
donc près de 5 fois plus que le soi-disant déficit, déjà creusé
par les précédentes exonérations de cotisations offertes aux
employeurs, comme le Pacte de Responsabilité (9 milliards par an)
mis en place par le même gouvernement Ayrault/Hollande en 2014.
Et le PLFSS 2018 ne s’arrête
pas là puisqu’il
supprime les cotisations payées (sauf pour les Accidents du Travail)
directement par les employeurs à la Sécu pour tous les emplois
payés au SMIC. En plus d’une attaque contre la Sécu, voilà un
bel encouragement pour les patrons à payer au ras des pâquerettes
les salariéEs !
Et pour tous les salaires en
dessous de 1,6 SMIC, c’est à un allègement uniforme de 6 points
de cotisations sociales qu’ils auront droit.
Elle est pas belle la vie quand
on est employeur ?
3/ Hausse de la CSG
(Contribution Sociale Généralisée).
Si on peut se frotter les mains
du côté du Medef, la musique est différente du côté
des salariéEs et
des retraitéEs. En effet, la CSG va augmenter
de 1,7%, pour compenser la baisse des cotisations sociales accordées
aux salariéEs : -0,75% au titre de la maladie et -2,4% pour le
chômage.
L’argument du gouvernement
est de redonner du pouvoir d’achat aux salariéEs.
Plusieurs réflexions :
-
ce transfert des cotisations
sur la CSG ne constitue en rien un gain de pouvoir d’achat pour le
salariat, puisque ce qu’il va gagner en salaire direct, il va le
perdre en salaire indirect, notamment au travers de la baisse des
prestations sociales ; d’ailleurs la même argumentation
avait été employée à la création de la CSG en 1991 par Michel
Rocard : elle était alors de 1,1% et était rapidement passée
à 6,6% pour les retraitéEs et 7,5% pour les salariéEs, et sans
compensation. Le gain de pouvoir d’achat était très vite passé
aux oubliettes ! Avec le 1,7% d’augmentation, la CSG passera
donc en 2018 à 8,3% pour les retraitéEs et 9,2% pour les
salariéEs.
-
les retraitéEs en sont pour
leur frais, car ils/elles n’ont bien sûr aucune compensation :
les pensions seront sèchement amputées de 1,7% ! Circulez, il
n’y a rien à voir….
-
cette exonération de
cotisations est une nouvelle attaque contre la Sécu, car la CSG
étant un impôt, rien n’oblige le gouvernement à attribuer les
recettes de cet impôt à la sécu ;
-
en basculant encore un peu
plus le financement de la Sécu de la cotisation vers l’impôt, il
sape encore un peu plus les fondements de notre protection sociale,
basés sur la solidarité en lien avec le salaire. Cela prépare des
changements plus radicaux qui visent à faire porter principalement
le financement de la protection sociale sur l’impôt (les ménages)
plutôt que sur les salaires(les employeurs).
4/ Augmentation du Forfait
Hospitalier Journalier.
Créé en 1983, par Jack Ralite
(communiste, ministre de la santé du gouvernement Mitterrand/Mauroy,
Jack Ralite est décédé le 12 novembre dernier), ce forfait visait
à faire payer par le malade une partie des frais dits
« d’hôtellerie » lors d’une hospitalisation. C’était
déjà à l’époque l’enclenchement d’une médecine à deux
vitesses (accentuée par la suite par la mise en place de toutes
sortes de franchises non prises en charge par la Sécu) : d’un
côté ceux et celles qui n’avaient pas les moyens de payer ce
forfait ou d’avoir une mutuelle qui le prenait en charge, et de
l’autre côté tous les autres.
De 20 francs à l’époque
(environ 3€), il était passé progressivement à 18€. Il
passera en 2018 à 20€.
Evidemment que les mutuelles,
complémentaires et assurances vont répercuter cette augmentation
dans leurs tarifs. Et encore une fois, ceux ou celles qui auront les
moyens d’avoir un contrat qui prend en charge cette augmentation
s’en sortiront sans trop de dégâts, mais tant pis pour tous les
autres…
5/ Date de revalorisation
des pensions des retraitéEs.
Le gouvernement (comme ses
prédécesseurs) n’est pas à une mesquinerie près.
Jusqu’à 2009, les pensions
étaient revalorisées au 1er
janvier. Sarkozy a repoussé cette revalorisation au mois d’Avril
en 2009, Hollande l’a repoussée au mois d’octobre en 2014 et
Macron la repousse au mois de janvier en 2019 !
En dix ans, c’est donc un
gain d’une année de revalorisation qui est obtenue par la bande,
et c’est une année de gel total pour les retraitéEs !
Conclusion provisoire….
A l’heure du nouveau
scandale de l’évasion fiscale des riches, de l’inaction
confirmée des pouvoirs publics contre les paradis fiscaux, ce
gouvernement continue la même politique que les précédents :
des cadeaux pour ceux et celles qui en ont plein les poches et
serrage de ceinture pour ceux et celles qui n’ont déjà pas
grand-chose !
Entièrement aux ordres du
Medef et du capital, Macron veut aller vite dans le démantèlement
de notre protection sociale telle que nous la connaissons. Supprimer
le financement de la Sécu basé sur la cotisation liée au salaire
pour le basculer sur l’impôt, réduire à terme à peau de chagrin
ce qui sera remboursé par la Sécu afin d’obliger les ménages à
prendre des assurances privées pour faire face à leurs soucis de
santé, tel est son objectif.
Cela correspond à une double
volonté du patronat :
-
alléger le « coût
du travail »
(donc augmenter ses profits) en supprimant en grande partie les
cotisations qui alimentent notre salaire socialisé (la protection
sociale) ;
-
s’offrir de nouveaux
marchés juteux sur
le terrain de la santé, pour ses grands groupes d’assurance et
fonds de pension, « marchés » occupés et pris en
charge pour le moment par la Sécu !
Prochain épisode prévisible
de cette attaque généralisée contre notre protection sociale :
notre système de retraite par répartition basé sur la solidarité
intergénérationnelle…