Les communes sont en danger, la preuve par l’eau

Avec la loi NOTRe, les communes ont perdu leur souveraineté en matière d’eau et d’assainissement au profit des « communautés urbaines » (les EPCI) aux compétences et aux moyens élargis. Les élus municipaux qui sont pourtant « les plus proches du terrain » sont ainsi dépouillés de leur pouvoir de décision en ce domaine, comme en bien d’autres, au profit de technocrates regroupés dans des cabinets de conseil sous l’influence de capitaux privés.

Soirée CNP sur l’eau, le 9 novembre, au cinéma « les Studios »

Dans le cadre du CNP, la SEPANT et ConvergenceServices Publics 37 organisaient, le 9 novembre dernier, une soirée film & débat sur la gestion de l’eau, intitulée « La Touraine en Eau Trouble ».
Le film, la «  VagueCitoyenne » raconte comment des femmes et des hommes, en une déferlante citoyenne, réclament leur simple droit vital : l’eau.
En France, berceau des marchands mondiaux de ce bien commun, des collectifs, des associations, des élus, des spécialistes ou de simples citoyens agissent pour que l’eau soit reconnue comme un bien commun de l’humanité. Ils n’hésitent pas à s’inviter dans les instances de décision, pour que sa gestion soit discutée, partagée de façon plus démocratique, en écho avec tous les mouvements citoyens qui émergent en France, en Europe et dans le monde.


Au cours du débat qui suivit, la baisse de qualité de l’eau en Touraine, due aux pollutions agricoles et aux prélèvements excessifs dans la nappe phréatique du Cénomanien a été évoquée.

Les conséquences de la loi NOTRe dans notre région ont ensuite été discutées.

Pour ce conformer à la loi, le 1er janvier 2017 a été créée la Communauté Urbaine sur le territoire de l'agglomération Tour(s)plus, regroupant 22 communes, qui prend la compétence de production et distribution de l’eau potable. En mars 2017, cette Communauté Urbaine est devenue ToursMétropole Val de Loire.

Dans la foulée, les associations qui oeuvraient sur ce sujet au niveau communal ou syndical se sont réunies dans un collectif, « EAU-TOURAINE », pour s'adapter à cette nouvelle réalité.
L'association « Eau-Joué-lès-Tours-Touraine », fondatrice du collectif avec l'association « ARIAL », de Saint-Pierre-des-Corps et l'association « Altereg‘eau » a rappelé ses objectifs qui sont de faire pression sur la nouvelle Métropole pour:
1. Un seul service public de l’eau potable géré en régie par la Métropole
2. Une interconnexion renforcée des réseaux contre les aléas de la ressource en eau.
3. Une utilisation de la nappe du Cénomanien aussi limitée que possible.


Certains élus de petites communes, qui n’ont pas la chance de pouvoir s’appuyer sur une logistique associative aussi importante, ont manifesté leur colère de ne pas être en capacité de revenir à une régie publique alors que la Communauté Urbaine dont ils dépendent a choisi une gestion privée.
En effet, dans une Communauté Urbaine, les décisions sont prises à la majorité des représentants de communes. Le nombre de représentants étant proportionnel au nombre d’habitants dans la commune, les petites communes ont peu de poids et peuvent ainsi se voir imposer des décisions contre leur volonté.



Gestion et distribution de la ressource en eau un héritage de la révolution

La loi MAPTAM (janvier 2014), puis la loi NOTRe (août 2015) ont mis un terme à plus de deux siècles de compétences communales en matière de gestion de l’eau. C’est la Révolution française qui avait confié aux communes, héritières des paroisses de l’Ancien régime, la responsabilité de l’approvisionnement en eau des populations. Elles s’en acquitteront en créant des fontaines publiques, puis en contrôlant les porteurs d’eau dans les villes, avant le développement des premiers réseaux de distribution. Le service de l'eau de la Ville de Tours est ainsi exploité en régie municipale depuis 1795. Avec le temps, les communes qui le souhaitent se regrouperont en syndicats pour mutualiser les investissements nécessaires à la réalisation des réseaux et ouvrages.
Les étapes successives de la décentralisation depuis 1981 n’avaient pas remis en cause cette compétence des communes ou de leurs regroupements volontaires.
Mais cette fois avec la loi NOTRe c’est l’électrochoc : les communes sont obligées d’abandonner aux Communautés Urbaines leurs compétences en matière d’eau et d’assainissement.

Toujours plus d’obligations sans les compétences, un rêve pour les acteurs privés

Dans le même temps, les Communautés Urbaines se voient investies de nouvelles missions telles que « la prévention des inondations » (GEMAPI) alors que leur situation financière ne leur permet pas toujours de procéder aux investissements nécessaires, qu’ils soient techniques ou humains, pour remplir ces obligations.
Il est à parier que les manquements qui pourraient en résulter seront fortement stigmatisés par les opérateurs privés lors des mises en concurrence pour le choix d’un mode de gestion.

Cette nouvelle organisation se fait sans les citoyens et les usagers au mépris de la démocratie.

Elle est le fruit des technocrates des grands corps, des associations d’élus et d’une myriade d’acteurs qui y sont directement intéressés, notamment ceux qui vivent de la commande publique.

La suppression de la taxe d’habitation, un autre coup dur pour les communes

La suppression promise par Emmanuel Macron de la taxe d'habitation peut paraître séduisante pour nombre de nos concitoyens, mais c’est encore une fois une mesure qui affaiblit les les communes en s’en prenant à leur finance. Pour financer le CICE et le Pacte de Responsabilité, ce sont 11 milliards de baisse de dotations qui ont été imposés aux collectivités locales! Pour toute justification de cette politique, l'Etat laisse entendre que les collectivités locales seraient mal gérées.
Avec la suppression de la taxe d’habitation, c’est de nouveau une perte de 10 milliards d'euros pour les collectivités qui devrait être compensée par l'Etat. Mais l'Association des Maires de France ne veut pas dépendre de subventions et réclame, au contraire, davantage d'autonomie fiscale. Pour les municipalités, l'exemple à suivre est davantage le mécanisme qui a été trouvé entre l'Etat et les Régions pour que ces dernières puissent assumer leurs nouvelles compétences économiques issues de la loi NOTRe.
A compter de 2018, les régions vont bénéficier d'une fraction du produit de la TVA qui entrainera environ 120 millions d'euros de recettes supplémentaires chaque année.
C'est ce genre de fiscalité dynamique que réclament les communes... pas des subventions susceptibles d’être remises en cause chaque année par le vote, au Parlement, de la loi de finances.

Mais ce n’est pas du tout ce qui est au programme...

Conclusion

Dans un « appel de 100 élus locaux contre "l'abandon" des territoires par Macron », François Kalfon dénonçait, le 16 novembre dernier :
« le mépris social et territorial qui s’illustre très clairement dans la véhémence avec laquelle le gouvernement orchestre la reprise en main technocratique des collectivités locales par une élite sachante. Tout est minutieusement orchestré et programmé : mise sous tutelle des budgets locaux, retour au contrôle a priori des décisions, baisse des concours financiers de l’Etat, suppression de leviers fiscaux dont les produits seront – comme toujours – imparfaitement compensés, réduction du nombre de contrats aidés mettant à mal tout le secteur associatif de proximité, baisse drastique des crédits de contractualisation, notamment dans le champ de la politique de la ville, de l’insertion, de la ruralité ou encore du logement social. »
L’affaiblissement des communes gouvernées par des élus au profit des régions gouvernées par des technocrates obéit au même modèle néo-libéral qui a affaibli les gouvernements nationaux au profit d’une gouvernance européenne technocratique. Et les maires ne sont pas dupes, même si certains d’entre eux ont répondu à l’invitation au cocktail de l’Elysée jeudi dernier. Le lendemain, Gaël Perdriau, maire Saint-Etienne déclarait :
« On avait un peu l'impression de participer à un dîner de cons, pour tout vous dire. Les maires ont un peu eu le sentiment d'être pris pour des François Pignon »

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Témoignages sur l’évolution des soins à l’hôpital de Tours

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Trois femmes, interviewées par le Collectif Santé 37 : notre santé en danger, racontent leur expérience d’hospitalisation à Tours sur une période qui s’étale de 1986 à mars 2017.

Premier témoignage

En 1986 mon premier enfant est né par césarienne à la maternité du Beffroi1.J’ai ensuite fait une hémorragie. Mon hospitalisation a duré 14 jours afin que je récupère (pas de transfusion possible à l’époque) même si mon enfant se portait bien.

Deuxième témoignage

24 sept 2001 à la clinique du Parc Chambray les Tours : La naissance de mon aînée a dû se faire par césarienne. A l’époque on préconisait de rester alitée une semaine complète à l’hôpital avant de sortir. La sortie s’est donc faite 10 jours après l’accouchement, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui.

11 juin 2014 à l’hôpital Bretonneau: Pour la naissance de ma cadette, j’ai été victime d’une grosse hémorragie (j’ai dû être transfusée d’1,6 l de sang). Le lendemain, on m’annonçait que je pourrais rentrer chez moi le 3ème jour après l’accouchement en HAD (Hôpital à Domicile) avec des soins pour une grosse épisiotomie. Me trouvant très faible, et avec 2 enfants qui m’attendaient à la maison, j’ai demandé si cela n’était pas trop tôt quand même. On m’a répondu que c’était mieux pour moi et que mes enfants seraient contents!

Bonjour la culpabilisation!

De retour à la maison, en effet j’étais contente de retrouver mes enfants, mais j’étais également très faible, très fatiguée et frustrée parce que je ne pouvais pas m’en occuper alors qu’ils me sollicitaient. J’aurais eu besoin de me reposer un peu plus et d’être dans un endroit calme ce qui n’était pas possible avec les enfants.

Les infirmières me prodiguaient des soins dans ma chambre, avec la risque qu’un enfant n’y pénétre par surprise. Ainsi, mon intimité de patiente n’était absolument pas respectée. Les mauvaises conditions de soins ont retardé la cicatrisation. L’hygiène chez soi n’est pas celle d’un hôpital.

L’infirmière me disait de me reposer davantage, mais comment faire ? Le médecin m’avait dit que je pouvais rentrer chez moi, cela signifiait donc que j’étais capable de reprendre mes activités familiales, sauf que je voyais que je n’y arrivais pas; quelquefois j’en pleurais de fatigue et de culpabilité. Je venais d’avoir un 3ème enfant et je me disais que je n’étais pas capable de m’en occuper !

J’ai mis un an à m’en remettre.

Troisième témoignage

sur l’évolution lors de 4 hospitalisations sur des périodes différentes et pour des pathologies différentes

​Février 1994 en gynécologie à Bretonneau : 10 jours d'hospitalisations pour une complication hémorragique au cours d’une intervention gynécologique
​février 2008 : dans le même service, 24 h d’hospitalisation suite à une opération d'un cancer du sein avec prescription d’un suivi infirmier externe

​Juillet 2016 : dans le même service, opérée pour une intervention gynécologique le vendredi, je suis sortie le lundi fin de matinée. Pourquoi ? Au regard de l'antériorité de mon dossier, la gynécologue qui m'opérait a décidé d'une journée d'hospitalisation en plus  que prévu pour ce type d’acte, mais elle - a dû justifier la raison de cette journée supplémentaire; là aussi je suis sortie avec une liste de n° de téléphone à contacter en cas de besoin et le nom de l'infirmière proche de mon domicile.

​Mars 2017 pose d'une prothèse de genoux  dans le service d’orthopédie à Trousseau : je devais sortir le mardi, le dimanche j'ai été informée de ma sortie pour le lundi par décision du cadre de santé

Voila les différents témoignages sur ce que j'ai vécu au cours de  mes hospitalisations mais je rend  hommage aux praticiens et personnels soignants pour leur dévouement dans un contexte de travail difficile.


Commentaires

Ces récits qui s’étalent sur une période de 31 ans donnent une idée de la dégradation de la prise en charge hospitalière ; même s’il est question en 2001 d’un établissement privé, la clinique du Parc, les préconisations étaient les mêmes à cette période qu’à l’hôpital.

Ce qui frappe au niveau des accouchements, à 15 années d’intervalle, c’est qu’auparavant on laissait plus de temps aux femmes pour récupérer. Maintenant, les conditions particulières des patientes sont de moins en moins prises en compte, il faut respecter le protocole ! La culpabilisation des mères est un argument bien facile et particulièrement révoltant pour libérer les lits au plus vite.

Alors que les moyens techniques progressent, la condition des femmes ne s’améliore pas pour autant pour des raisons budgétaires !

La dictature de la diminution de la durée de séjour préconisée n’est pas une amélioration point s’en faut ! Les protocoles ne peuvent pas s’adapter à tout le monde surtout pour des raisons financières. Il fut un temps où on adaptait les soins en fonction des patients, pour un retour à la maison dans de bonnes conditions. A l’heure actuelle, la prise en compte de la rentabilité passe avant l’état de santé physique ou psychique du ou de la patient.e. Pour un accouchement c’est 3 jours, ensuite vous vous débrouillez avec les infirmiers libéraux ou dans de rares cas en HAD Hôpital à domicile. Le 2ème témoignage montre à quel point ces solutions peuvent être préjudiciables aux patientes.

La durée d’hospitalisation est fonction du protocole et non de l’état du patient ou sinon il faut le justifier, ce qui fait dire à une des femmes que le chirurgien est maintenant aux ordres de l'administration  et de sa logique comptable ​au lieu de donner la priorité au patient. Le retour à domicile dans n’importe quelles conditions pose d’autres difficultés ; avec la pénurie médicale dans de nombreuses régions, la sortie trop rapide peut amener un défaut de soins. De même, les infirmières à domiciles toutes compétentes qu’elles soient, sont surchargées de travail ; il y a donc des limites à cette politique imposée aux patients.

Une infirmière retraitée ayant travaillé dans les hôpitaux plus de 40 ans ajoute : respectez les patients en tenant compte de leurs besoins réels et les soignants retrouveront le plaisir du travail bien fait et ils rentreront chez eux certes fatigués mais satisfaits. Les objectifs comptables de l’hôpital mettent patients et soignants sur une ligne dangereuse alors que les moyens de bien soigner existent.

1 Annexe du CHU de Tours qui a été fermée en 2003

Nouvelle mobilisation de Clocheville le 5 octobre

C'est au petit jour qu'une délégation du personnel en grève de Clocheville s'est rendue au cabinet du maire de Tours, en tant que président du conseil de surveillance du CHRU de Tours. La délégation d'une dizaine de personnes était bien soutenue par plus d'une soixantaine de personnels de Clocheville rejoints par des soutiens divers appelés par les syndicats, CGT et Solidaires mais aussi par le collectif 37 Notre santé en danger. C'est ainsi qu'on a pu voir des étudiant.es, des salariés du transport, des collègues de Loches...

 Le personnel expliquait les conditions de travail dans cet hôpital vétuste qui n'a pas été entretenu depuis 5 ans en attente de son transfert à Trousseau. Les ascenseurs sont régulièrement en panne obligeant à démonter des lits pour passer dedans, les locaux sont chauds l'été 32 ° parfois dès le matin et froids l'hiver parce que les fenêtres ferment mal. Le manque de personnel oblige à remplacer dans des services comme la réa ou les urgences sans formation, donc en mettant en danger les enfants.

Le retour du maire n'a pas été à la hauteur des attentes; il a proposé de faire une motion au gouvernement avec les autres maires du département pour soutenir les demandes du personnel. Il promet le déblocage d'une première enveloppe pour les travaux urgents. Pour l'augmentation du personnel de remplacement il a déclaré que c'était hors de sa compétence.

Dans d'autres villes les maires participent au mouvement de soutien de la population à la lutte du personnel comme à Carhaix. Pourquoi pas à Tours?

Un appel a été lancé par les syndicats CGT et SUD pour participer à l'initiative du 7 octobre à 14h30 dans le cadre du tour de France pour la santé

Collectif 37 Notre santé en danger
collectifsante37@gmail.com