témoignage d'une infirmière


témoignage d'une infirmière

La soirée du 20 octobre pour la « défense de l’Hôpital » a été l’occasion de multiples échanges entre usagers et personnels de l’hôpital. Voici le témoignage d’une infirmière lu au cours de la soirée et publié sur le site de la Rotative:

Mesdames, messieurs,
Comme vous le savez le CHU de Tours va être le théâtre d’un vaste plan de restructuration. Notre direction a d’ailleurs largement communiqué sur ce plan : nouveau bâtiment, meilleur accueil pour les patients. Mais sous couvert de modernisation ce sont bien toutes les catégories de personnel qui vont être touchées par un plan social déguisé. Bien sur, il n’y aura pas de licenciement sec mais des départs non remplacés, des contrats non renouvelés et pour la population moins de lits, des délais d’attente plus long pour leur prise en charge.
En tant qu’infirmière, je fais partie du personnel soignant.
Ce métier comme la plupart de mes collègues je l’ai choisi car comme on nous l’a enseigné lors de nos différents cursus, il permet d’appréhender la globalité d’un ou d’une patiente. Les soins, pour en rappeler la définition du Larousse, se sont : « des actes par lesquels on veille au bien être de quelqu’un, des actes thérapeutiques qui visent à la santé de quelqu’un, de son corps » mais aussi «des actes d’hygiène, de cosmétiques qui visent à conserver ou à améliorer l’état de la peau, des ongles, des cheveux..». En l’occurrence, ses soins que nous prodiguons à nos patients sont le cœur de notre métier, ils sont le moyen de conserver voir d'améliorer l’état de santé de nos patients, ils englobent des soins techniques en collaboration avec l’équipe médicale ou relevant de notre rôle propre mais aussi des soins relationnels.
De plus pour la plupart d’entre nous, nous avons choisi d'exercer notre métier au sein du secteur public, pensant éloigner la notion de « merchandising » du soin et par conséquent pouvoir prodiguer des soins sans souci de rentabilité.
Aujourd’hui nous avons bien compris que l’hôpital outre sa fonction de service public doit aussi se comporter comme une entreprise générant des profits et afin de recueillir ses dits profits, il faut rentabiliser la prise en charge non plus des patients et patientes mais des clients et clientes. Et nous comprenons bien que pour des gestionnaires, écouter, tenir une main, rassurer, parfois essuyer des larmes et même accompagner les derniers souffles ne rapportent n'en d’un point de vue financier. Mais pour nous, tout cela c’est notre quotidien.
Aujourd’hui les restructurations que l’on veut nous imposer, attaquent le cœur de notre métier, elles remettent en cause nos valeurs, ces valeurs qui font que pour satisfaire nos patients, nous sommes capables de sacrifier nos repos pour remplacer un collègue absent, de ne pas manger ou boire, tout cela, c’est un comble, au détriment de notre propre santé.
On nous demande d'être toujours plus efficaces, toujours plus rapides ou mieux organisés. Mais certains soins demandent du temps. L’exécution d’une toilette de patient alité est, selon les protocoles de soins, estimé entre 45 et 60 minutes. Faute de personnel suffisant, nous n’aurons plus le temps d'effectuer ce soin correctement entraînant un risque pour l’état cutané de nos patients, un risque d'augmentation des infections nosocomiales.
On nous demande de ne plus changer les draps aussi souvent, qui accepterait de se reposer dans des draps souillés?
Par la diminution au sein de nos effectifs, on nous contraint à effectuer plus de tâches sur notre temps de vacation au risque pour nous de devenir maltraitants, au risque de commettre des erreurs mettant en jeu la santé de nos patients, mettant en jeu notre diplôme.
Ce manque de temps à accorder à nos patients entraînera indéniablement une augmentation de leur angoisse, de leur agressivité ainsi que celle de leur famille mettant en difficulté voir en insécurité nos collègues. Comment assurer une éducation thérapeutique de qualité à nos patients en courant d'une chambre à l’autre?
Comment encadrer les personnels de demain, quand nous même, vous nous obligez par manque de temps, manque de moyens, manque d’effectifs à ne plus respecter scrupuleusement les protocoles de soins et d’hygiène.
Toutes ces interrogations sont pour nous source de stress, de malaise, de mal-être, d’insécurité au sein de notre travail. Nous nous soucions de la qualité de prise en charge de nos patients, nous demandons droit à travailler dans de bonnes conditions et en sécurité. Et pour cela, nous demandons des moyens humains pour le faire.
Nous ne pouvons pas accepter de faire «payer» à nos patients des politiques de santé qui mènent à la deshumanisation de l’hôpital, nous ne pouvons pas accepter de devenir seulement des techniciens du soin. Nous vous réclamons le droit de pouvoir rentrer chez nous en se disant nous avons fait notre travail correctement, tout simplement nous vous réclamons le droit d’être fier d'être des soignants.


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Le 30 janvier, tous et toutes dans la rue avec les salarié-es des EHPAD


Il faut de vrais lieux de vie pour les ancien-nes :

Le 30 janvier 2018 est une journée de mobilisation nationale des salarié-es des EHPAD (Etablissements pour Personnes Agées Dépendantes) qui ne supportent plus leurs mauvaises conditions de travail et l’impossibilité de bien prendre en charge les résident-es dans des conditions humaines, de respect et de dignité. Ces dernières années, il y a déjà eu des grèves des personnels soutenues par les résident-es et leurs familles comme par exemple, dans la région de Tours, à l’EHPAD de la Vasselière ou plus récemment à celle de la Membrolle-Semblançay.

Nous ne voulons pas que les EHPAD soient des mouroirs. Nous exigeons de vrais lieux de vie avec des animations, des temps de sociabilité et non pas seulement des douches ou des toilettes bâclées et des repas servis et avalés à la va vite. Il faudrait des lieux ouverts sur les quartiers et non des « usines » pour ancien-nes, toujours plus grandes et plus nombreuses. Le temps de la vieillesse ne doit pas être celui de la mise à l’écart.

Dans cette période de la vie, nos aîné-es ont besoin de prendre leur temps.Mais alors qu’il serait enfin possible de ralentir le rythme, dans la plupart des EHPAD, par manque de personnel, ce n’est pas le cas. Il faut encore faire vite les gestes de la vie quotidienne qui pourraient être un plaisir, mais la rentabilité exigée du personnel transforme en marathon les soins prodigués.

En outre, les tarifs demandés par les EHPAD sont de plus en plus élevés pour les résident-es, obligeant une partie de ceux et celles qui en auraient besoin à y renoncer. Dans les établissements privés lucratifs, il faut aussi satisfaire les actionnaires comme chez Korian, Orpea ou le Noble Age, pour parler de ceux qui sont implantés dans la région et qui voient dans cette activité un moyen de faire plus de profits.

La fermeture de l’Ermitage prévue par le plan COPERMO de restructuration de l’hôpital ne tient pas non plus compte des besoins des personnes accueillies dans cet établissement mais elle répond à des objectifs de restriction budgétaire. Elle va entraîner une diminution de l’offre de soin public. L’emplacement avec la vue sur la Loire pourra ainsi faire l’objet d’une juteuse affaire pour des promoteurs immobiliers avides de profits.

Cette situation est la conséquence des choix politiques des gouvernements successifs de coupes budgétaires et de privatisation de la santé. Cela va s’aggraver avec le vote le 4 décembre 2017 de la loi de financement de la sécurité sociale, alors qu’une mission parlementaire faisait le constat que « la France ne fait pas son devoir auprès des personnes âgées ». Avec les 80 milliards d’€ annuels d’évasion fiscale la France aurait largement les moyens de prendre soin de ses aîné-es.

Nous voulons une autre société que celle qui fait des profits sur le dos des personnes âgées dépendantes. Les «assistances électroniques» diverses et variées destinées à remplacer l’entrée en maison de retraite et/ou à supprimer du personnel ne sont pas non plus des alternatives souhaitables pour compenser la solitude des personnes âgées. Elles coûtent très cher et vont surtout enrichir les entreprises qui les vendent.

Il faut des moyens pour du personnel bien traité, qualifié, correctement rémunéré et en nombre suffisant pour qu’il puisse prendre en charge humainement et dignement les résident-es.

Soyons aux côtés des salarié-es des EHPAD le 30 janvier à 11h place A. France à Tours, et après, pour exiger des moyens pour des conditions de vie dignes et
respectueuses de nos ancien-nes.  


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SANTÉ MENTALE : un plan com de plus

Alors qu’un grand plan de santé a été annoncé par le gouvernement le 11 juin dernier, notre Collectif 37 « Notre Santé en Danger » souhaite alerter sur la situation de la psychiatrie en Indre et Loire.