Communiqué du collectif 37 Notre santé en Danger suite aux annonces sur les hôpitaux du département

Le CHRU de Tours a reçu le 17 janvier dernier l’avis définitif du COPERMO (Comité pour la Performance et la Modernisation de l’Hôpital) qui l’autorise à implanter la pédiatrie et la biologie sur le site de Trousseau.

Nous pourrions nous réjouir de la construction d’un nouvel hôpital à Trousseau s’il n’était pas entièrement soumis aux contraintes budgétaires et corrélé à une nouvelle organisation technocratique qui a déjà amené 130 suppressions de lits sur 2018 et 2019 et de postes correspondants, la fermeture des hôpitaux de semaine et les difficultés aux urgences pour trouver des lits. Le personnel y est d’ailleurs en grève pour dénoncer les conditions de travail et de prise en charge des patients.

Nous nous réjouissons de l’annonce de la construction du « Nouvel Hôpital Clocheville » sur le nouveau site de Trousseau, en tant qu’entité  pédiatrique dédiée. Nous pensons que la lutte pour le conserver, notamment menée par notre collectif santé, a porté ses fruits, mais nous restons vigilants sur ce point, conscients de l’émotion de la population face au risque de perdre cette structure historique dans la ville. Ainsi nous restons inquiet.es quant à la mutualisation, « synergie » prévue entre les services enfants et adultes. La spécificité de Clocheville c’est l’environnement adapté, le personnel dédié, formé pour appréhender l’enfant et les parents.

L’hémodialyse de Clocheville a déjà été transférée avec les adultes à Bretonneau. Nous aimerions être certain.es qu’il n’y aura pas de mutualisation du personnel entre enfants et adultes et que le personnel aura du temps pour une prise en charge adaptée.

Les derniers scandales de bébés renvoyés des services de réanimation de grands hôpitaux pédiatriques parisiens par manque de lit, mis dans des ambulances pour faire 200 kms, ont provoqué l’émoi de nombreux parents et montré les limites de cette politique de santé qui restreint les moyens et les capacités d’accueil, y compris pour les enfants. La fermeture de la réanimation pédiatrique du Mans n’a fait que le confirmer.

Malheureusement cette politique continue. Le Pr PATAT, nouveau président de la Commission Médicale d’Etablissementdu CHU de Tours, dans un interview à la Nouvelle République en date du 24 janvier 2020, confirme que la restructuration des activités du CHRU de Tours se traduira de nouveau par une baisse du nombre de lits ; c’est la même logique comptable qui se poursuit pour les adultes comme pour les enfants.

Il souligne : « ce n’est jamais agréable pour un enfant et ses parents de devoir passer la nuit à l’hôpital, la nouvelle organisation fera en sorte qu’ils rentrent chez eux le plus vite possible. Nous ferons le plus d’ambulatoire possible dans la limite de la sécurité médicale. »

On sait déjà pour les adultes et particulièrement les personnes âgées comment se traduit cette course à l’ambulatoire : le renvoi au domicile à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit sans se soucier des conditions de vie de la personne, pouvant entraîner des allers-retours aux urgences et l’engorgement de ce service. La famille se trouve souvent dans le désarroi et épuisée.

Que dire alors quand il s’agit des enfants qui du fait de leur fragilité peuvent se dégrader rapidement? Les parents peuvent-ils se réjouir, quand renvoyés de l’hôpital, angoissés, ils doivent surveiller leur petit, devant prévoir un éventuel retour à ‘hôpital en cas d’aggravation ?

Comment gérer ces situations quand on travaille ?

L’ambulatoire devrait rester un vrai choix pour les malades et leur famille, et ne jamais être imposé. Aujourd’hui c’est devenu une politique imposée par une réduction des dépenses hospitalières pour diminuer le nombre de lits et le personnel  !

L’hémodialyse de Clocheville a déjà été transférée avec les adultes à Bretonneau. L’ophtalmo adulte accueille aussi des enfants. Nous craignons que cette mutualisation entre enfants et adultes s’étende et que le personnel n’aie pas le temps ni la formation pour une prise en charge adaptée aux enfants.

La psychiatrie quant à elle, devra sans doute se contenter de ce qui restera, rien n’est encore acté. Et l’Ermitage ?...

Dernièrement les hôpitaux de Loches et Chinon ont fait l’objet d’une mise sous surveillance de l’ARS pour cause de « déficit » en fait dû à une insuffisance de dotations pour leur fonctionnement. La maternité de Chinon est à nouveau sur la sellette… des postes seraient aussi menacés.

Il y a un lien entre la restructuration du CHU et les menaces sur les hôpitaux périphériques.

Le but n’est pas seulement la rénovation annoncée mais la « rationalisation des moyens » qui aboutit à la diminution de l’accès aux soins à l’hôpital public, au profit du privé qui se saisira de tout ce qui est « rentable ». Nous ne voulons pas d’un hôpital « entreprise » comme le dénonce le Pr Velut dans son livre [1].

C’est pourquoi nous invitons la population à participer à la mobilisation nationale dans la santé du 14 février, à l’appel de l’intersyndicale, des associations et collectifs de professionnels et d’usagers de la santé.

A Tours rendez vous devant l’Agence Régionale de Santé, 38 rue E.Vaillant à 10H pour une manifestation qui se terminera par un pique nique place J. Jaurès.

Références

  1. « L’hôpital, une nouvelle industrie », éditions Gallimard, collection Tracts, livre du Pr Stéphane Velut, neurochirurgien au CHU de Tours,

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Témoignages sur l’évolution des soins à l’hôpital de Tours

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Trois femmes, interviewées par le Collectif Santé 37 : notre santé en danger, racontent leur expérience d’hospitalisation à Tours sur une période qui s’étale de 1986 à mars 2017.

Premier témoignage

En 1986 mon premier enfant est né par césarienne à la maternité du Beffroi1.J’ai ensuite fait une hémorragie. Mon hospitalisation a duré 14 jours afin que je récupère (pas de transfusion possible à l’époque) même si mon enfant se portait bien.

Deuxième témoignage

24 sept 2001 à la clinique du Parc Chambray les Tours : La naissance de mon aînée a dû se faire par césarienne. A l’époque on préconisait de rester alitée une semaine complète à l’hôpital avant de sortir. La sortie s’est donc faite 10 jours après l’accouchement, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui.

11 juin 2014 à l’hôpital Bretonneau: Pour la naissance de ma cadette, j’ai été victime d’une grosse hémorragie (j’ai dû être transfusée d’1,6 l de sang). Le lendemain, on m’annonçait que je pourrais rentrer chez moi le 3ème jour après l’accouchement en HAD (Hôpital à Domicile) avec des soins pour une grosse épisiotomie. Me trouvant très faible, et avec 2 enfants qui m’attendaient à la maison, j’ai demandé si cela n’était pas trop tôt quand même. On m’a répondu que c’était mieux pour moi et que mes enfants seraient contents!

Bonjour la culpabilisation!

De retour à la maison, en effet j’étais contente de retrouver mes enfants, mais j’étais également très faible, très fatiguée et frustrée parce que je ne pouvais pas m’en occuper alors qu’ils me sollicitaient. J’aurais eu besoin de me reposer un peu plus et d’être dans un endroit calme ce qui n’était pas possible avec les enfants.

Les infirmières me prodiguaient des soins dans ma chambre, avec la risque qu’un enfant n’y pénétre par surprise. Ainsi, mon intimité de patiente n’était absolument pas respectée. Les mauvaises conditions de soins ont retardé la cicatrisation. L’hygiène chez soi n’est pas celle d’un hôpital.

L’infirmière me disait de me reposer davantage, mais comment faire ? Le médecin m’avait dit que je pouvais rentrer chez moi, cela signifiait donc que j’étais capable de reprendre mes activités familiales, sauf que je voyais que je n’y arrivais pas; quelquefois j’en pleurais de fatigue et de culpabilité. Je venais d’avoir un 3ème enfant et je me disais que je n’étais pas capable de m’en occuper !

J’ai mis un an à m’en remettre.

Troisième témoignage

sur l’évolution lors de 4 hospitalisations sur des périodes différentes et pour des pathologies différentes

​Février 1994 en gynécologie à Bretonneau : 10 jours d'hospitalisations pour une complication hémorragique au cours d’une intervention gynécologique
​février 2008 : dans le même service, 24 h d’hospitalisation suite à une opération d'un cancer du sein avec prescription d’un suivi infirmier externe

​Juillet 2016 : dans le même service, opérée pour une intervention gynécologique le vendredi, je suis sortie le lundi fin de matinée. Pourquoi ? Au regard de l'antériorité de mon dossier, la gynécologue qui m'opérait a décidé d'une journée d'hospitalisation en plus  que prévu pour ce type d’acte, mais elle - a dû justifier la raison de cette journée supplémentaire; là aussi je suis sortie avec une liste de n° de téléphone à contacter en cas de besoin et le nom de l'infirmière proche de mon domicile.

​Mars 2017 pose d'une prothèse de genoux  dans le service d’orthopédie à Trousseau : je devais sortir le mardi, le dimanche j'ai été informée de ma sortie pour le lundi par décision du cadre de santé

Voila les différents témoignages sur ce que j'ai vécu au cours de  mes hospitalisations mais je rend  hommage aux praticiens et personnels soignants pour leur dévouement dans un contexte de travail difficile.


Commentaires

Ces récits qui s’étalent sur une période de 31 ans donnent une idée de la dégradation de la prise en charge hospitalière ; même s’il est question en 2001 d’un établissement privé, la clinique du Parc, les préconisations étaient les mêmes à cette période qu’à l’hôpital.

Ce qui frappe au niveau des accouchements, à 15 années d’intervalle, c’est qu’auparavant on laissait plus de temps aux femmes pour récupérer. Maintenant, les conditions particulières des patientes sont de moins en moins prises en compte, il faut respecter le protocole ! La culpabilisation des mères est un argument bien facile et particulièrement révoltant pour libérer les lits au plus vite.

Alors que les moyens techniques progressent, la condition des femmes ne s’améliore pas pour autant pour des raisons budgétaires !

La dictature de la diminution de la durée de séjour préconisée n’est pas une amélioration point s’en faut ! Les protocoles ne peuvent pas s’adapter à tout le monde surtout pour des raisons financières. Il fut un temps où on adaptait les soins en fonction des patients, pour un retour à la maison dans de bonnes conditions. A l’heure actuelle, la prise en compte de la rentabilité passe avant l’état de santé physique ou psychique du ou de la patient.e. Pour un accouchement c’est 3 jours, ensuite vous vous débrouillez avec les infirmiers libéraux ou dans de rares cas en HAD Hôpital à domicile. Le 2ème témoignage montre à quel point ces solutions peuvent être préjudiciables aux patientes.

La durée d’hospitalisation est fonction du protocole et non de l’état du patient ou sinon il faut le justifier, ce qui fait dire à une des femmes que le chirurgien est maintenant aux ordres de l'administration  et de sa logique comptable ​au lieu de donner la priorité au patient. Le retour à domicile dans n’importe quelles conditions pose d’autres difficultés ; avec la pénurie médicale dans de nombreuses régions, la sortie trop rapide peut amener un défaut de soins. De même, les infirmières à domiciles toutes compétentes qu’elles soient, sont surchargées de travail ; il y a donc des limites à cette politique imposée aux patients.

Une infirmière retraitée ayant travaillé dans les hôpitaux plus de 40 ans ajoute : respectez les patients en tenant compte de leurs besoins réels et les soignants retrouveront le plaisir du travail bien fait et ils rentreront chez eux certes fatigués mais satisfaits. Les objectifs comptables de l’hôpital mettent patients et soignants sur une ligne dangereuse alors que les moyens de bien soigner existent.

1 Annexe du CHU de Tours qui a été fermée en 2003

Nouvelle mobilisation de Clocheville le 5 octobre

C'est au petit jour qu'une délégation du personnel en grève de Clocheville s'est rendue au cabinet du maire de Tours, en tant que président du conseil de surveillance du CHRU de Tours. La délégation d'une dizaine de personnes était bien soutenue par plus d'une soixantaine de personnels de Clocheville rejoints par des soutiens divers appelés par les syndicats, CGT et Solidaires mais aussi par le collectif 37 Notre santé en danger. C'est ainsi qu'on a pu voir des étudiant.es, des salariés du transport, des collègues de Loches...

 Le personnel expliquait les conditions de travail dans cet hôpital vétuste qui n'a pas été entretenu depuis 5 ans en attente de son transfert à Trousseau. Les ascenseurs sont régulièrement en panne obligeant à démonter des lits pour passer dedans, les locaux sont chauds l'été 32 ° parfois dès le matin et froids l'hiver parce que les fenêtres ferment mal. Le manque de personnel oblige à remplacer dans des services comme la réa ou les urgences sans formation, donc en mettant en danger les enfants.

Le retour du maire n'a pas été à la hauteur des attentes; il a proposé de faire une motion au gouvernement avec les autres maires du département pour soutenir les demandes du personnel. Il promet le déblocage d'une première enveloppe pour les travaux urgents. Pour l'augmentation du personnel de remplacement il a déclaré que c'était hors de sa compétence.

Dans d'autres villes les maires participent au mouvement de soutien de la population à la lutte du personnel comme à Carhaix. Pourquoi pas à Tours?

Un appel a été lancé par les syndicats CGT et SUD pour participer à l'initiative du 7 octobre à 14h30 dans le cadre du tour de France pour la santé

Collectif 37 Notre santé en danger
collectifsante37@gmail.com

T2A : à l'hôpital public, une situation "intenable" pour les soignants


La tarification à l'activité, ou T2A, a des effets délétères qui sont, en ce moment, au coeur de toutes les discussions sur l'hôpital.

Voici un article de Marianne.fr qui explique, à travers plusieurs témoignages, pourquoi cette tarification à l'activité a dégradé le fonctionnement de notre système de santé.


Cet article est signé Patricia Nevez et date du 15/04/2017.
Il complète notre publication du 29 octobre à ce sujet.



T2A : à l'hôpital public, une situation "intenable" pour les soignants