Témoignages sur l’évolution des soins à l’hôpital de Tours

IMG 0175

Trois femmes, interviewées par le Collectif Santé 37 : notre santé en danger, racontent leur expérience d’hospitalisation à Tours sur une période qui s’étale de 1986 à mars 2017.

Premier témoignage

En 1986 mon premier enfant est né par césarienne à la maternité du Beffroi1.J’ai ensuite fait une hémorragie. Mon hospitalisation a duré 14 jours afin que je récupère (pas de transfusion possible à l’époque) même si mon enfant se portait bien.

Deuxième témoignage

24 sept 2001 à la clinique du Parc Chambray les Tours : La naissance de mon aînée a dû se faire par césarienne. A l’époque on préconisait de rester alitée une semaine complète à l’hôpital avant de sortir. La sortie s’est donc faite 10 jours après l’accouchement, contrairement à ce qui se fait aujourd’hui.

11 juin 2014 à l’hôpital Bretonneau: Pour la naissance de ma cadette, j’ai été victime d’une grosse hémorragie (j’ai dû être transfusée d’1,6 l de sang). Le lendemain, on m’annonçait que je pourrais rentrer chez moi le 3ème jour après l’accouchement en HAD (Hôpital à Domicile) avec des soins pour une grosse épisiotomie. Me trouvant très faible, et avec 2 enfants qui m’attendaient à la maison, j’ai demandé si cela n’était pas trop tôt quand même. On m’a répondu que c’était mieux pour moi et que mes enfants seraient contents!

Bonjour la culpabilisation!

De retour à la maison, en effet j’étais contente de retrouver mes enfants, mais j’étais également très faible, très fatiguée et frustrée parce que je ne pouvais pas m’en occuper alors qu’ils me sollicitaient. J’aurais eu besoin de me reposer un peu plus et d’être dans un endroit calme ce qui n’était pas possible avec les enfants.

Les infirmières me prodiguaient des soins dans ma chambre, avec la risque qu’un enfant n’y pénétre par surprise. Ainsi, mon intimité de patiente n’était absolument pas respectée. Les mauvaises conditions de soins ont retardé la cicatrisation. L’hygiène chez soi n’est pas celle d’un hôpital.

L’infirmière me disait de me reposer davantage, mais comment faire ? Le médecin m’avait dit que je pouvais rentrer chez moi, cela signifiait donc que j’étais capable de reprendre mes activités familiales, sauf que je voyais que je n’y arrivais pas; quelquefois j’en pleurais de fatigue et de culpabilité. Je venais d’avoir un 3ème enfant et je me disais que je n’étais pas capable de m’en occuper !

J’ai mis un an à m’en remettre.

Troisième témoignage

sur l’évolution lors de 4 hospitalisations sur des périodes différentes et pour des pathologies différentes

​Février 1994 en gynécologie à Bretonneau : 10 jours d'hospitalisations pour une complication hémorragique au cours d’une intervention gynécologique
​février 2008 : dans le même service, 24 h d’hospitalisation suite à une opération d'un cancer du sein avec prescription d’un suivi infirmier externe

​Juillet 2016 : dans le même service, opérée pour une intervention gynécologique le vendredi, je suis sortie le lundi fin de matinée. Pourquoi ? Au regard de l'antériorité de mon dossier, la gynécologue qui m'opérait a décidé d'une journée d'hospitalisation en plus  que prévu pour ce type d’acte, mais elle - a dû justifier la raison de cette journée supplémentaire; là aussi je suis sortie avec une liste de n° de téléphone à contacter en cas de besoin et le nom de l'infirmière proche de mon domicile.

​Mars 2017 pose d'une prothèse de genoux  dans le service d’orthopédie à Trousseau : je devais sortir le mardi, le dimanche j'ai été informée de ma sortie pour le lundi par décision du cadre de santé

Voila les différents témoignages sur ce que j'ai vécu au cours de  mes hospitalisations mais je rend  hommage aux praticiens et personnels soignants pour leur dévouement dans un contexte de travail difficile.


Commentaires

Ces récits qui s’étalent sur une période de 31 ans donnent une idée de la dégradation de la prise en charge hospitalière ; même s’il est question en 2001 d’un établissement privé, la clinique du Parc, les préconisations étaient les mêmes à cette période qu’à l’hôpital.

Ce qui frappe au niveau des accouchements, à 15 années d’intervalle, c’est qu’auparavant on laissait plus de temps aux femmes pour récupérer. Maintenant, les conditions particulières des patientes sont de moins en moins prises en compte, il faut respecter le protocole ! La culpabilisation des mères est un argument bien facile et particulièrement révoltant pour libérer les lits au plus vite.

Alors que les moyens techniques progressent, la condition des femmes ne s’améliore pas pour autant pour des raisons budgétaires !

La dictature de la diminution de la durée de séjour préconisée n’est pas une amélioration point s’en faut ! Les protocoles ne peuvent pas s’adapter à tout le monde surtout pour des raisons financières. Il fut un temps où on adaptait les soins en fonction des patients, pour un retour à la maison dans de bonnes conditions. A l’heure actuelle, la prise en compte de la rentabilité passe avant l’état de santé physique ou psychique du ou de la patient.e. Pour un accouchement c’est 3 jours, ensuite vous vous débrouillez avec les infirmiers libéraux ou dans de rares cas en HAD Hôpital à domicile. Le 2ème témoignage montre à quel point ces solutions peuvent être préjudiciables aux patientes.

La durée d’hospitalisation est fonction du protocole et non de l’état du patient ou sinon il faut le justifier, ce qui fait dire à une des femmes que le chirurgien est maintenant aux ordres de l'administration  et de sa logique comptable ​au lieu de donner la priorité au patient. Le retour à domicile dans n’importe quelles conditions pose d’autres difficultés ; avec la pénurie médicale dans de nombreuses régions, la sortie trop rapide peut amener un défaut de soins. De même, les infirmières à domiciles toutes compétentes qu’elles soient, sont surchargées de travail ; il y a donc des limites à cette politique imposée aux patients.

Une infirmière retraitée ayant travaillé dans les hôpitaux plus de 40 ans ajoute : respectez les patients en tenant compte de leurs besoins réels et les soignants retrouveront le plaisir du travail bien fait et ils rentreront chez eux certes fatigués mais satisfaits. Les objectifs comptables de l’hôpital mettent patients et soignants sur une ligne dangereuse alors que les moyens de bien soigner existent.

1 Annexe du CHU de Tours qui a été fermée en 2003

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

SANTÉ MENTALE : un plan com de plus

Alors qu’un grand plan de santé a été annoncé par le gouvernement le 11 juin dernier, notre Collectif 37 « Notre Santé en Danger » souhaite alerter sur la situation de la psychiatrie en Indre et Loire.

Grève au CH de Luynes (37) le 5 décembre 23

Àprès 2 semaines de grève, les personnels du CH de Luynes faisaient un rassemblement ce 5 décembre à l’appel de FO et SUD devant l’établissement pour appuyer les négociations pour une amélioration des conditions de travail.

Depuis l’après covid les dégradations de condition de travail et de soins avec les absences non remplacées sont devenus au-delà de l’acceptabilité. A ce jour il y a 13,5 % d’absentéisme.

Le 22 novembre le personnel s’est mis en grève. 

Cet hôpital de 320 lits et 350 agent.es pour un service de SMR de 70 lits, un service de soins palliatifs de 10 lits et du médico social avec un EHPAD de 210 lits et un service de soins à domicile.

Une réunion de négociation devait avoir lieu le 6 décembre.

Les revendications concernent la dégradation des soins et des conditions de travail, le manque de matériel, la demande de fauteuils conformes, la demande de formation pour distribution des médicaments par les AS ( normalement une infirmière doit être présente), le refus du management autoritaire, le droit syndical...

La direction a commencé à reprocher aux grévistes de faire une entrave au service public par son rassemblement et de prendre en otage le personnel et les usagers ! Puis, devant les griefs exposés par les collègues elle a finalement proposé des réorganisations en disant que tout le monde était dans le même bateau et subissait la restriction des budgets, 2 millions pour le CH de Luynes. Ce à quoi le personnel a répondu qu’il ne tenait qu’à eux de soutenir les revendications du personnel auprès des instances de tutelle.

Le directeur a ensuite proposé des heures supplémentaires gérées par logiciel Hublo pour pallier aux absences ; ce système, déjà connu au CHRU de Tours, génère encore plus d’absences par épuisement.Une manifestante a répondu que quand elles reviennent sur leurs repos elles aimeraient pouvoir récupérer en repos et non se voir dire au 31 décembre que ce sera versé au CET Compte Épargne Temps ! Ce qu’il faut ce sont de vraies embauches pérennes donc mettre les moyens pour fidéliser le personnel.

Au total un rassemblement qui a permis au personnel en grève de s’exprimer, de montrer sa force de recevoir le soutien de familles qui passaient voir des résidents. Une étape importante dans la lutte pour la reconnaissance de ses revendications. Des chansons composées par le personnel ont ajouté une note d’enthousiasme dans cette lutte. Malgré tout, une aide-soignante qui travaille depuis plus de 30 ans dit que le sourire des résident.es est la meilleure des récompense et ne lui ferait pas lâcher le travail, ce qui n’empêche qu’elle se bat pour de meilleures conditions de travail et de lutte même s’il faut aussi résister à la culpabilisation des grévistes.

Le collectif 37 Notre santé en Danger appelle à élargir le soutien aux grévistes en faisant connaître leur lutte et en manifestant leur solidarité dès que c’est possible.

interview d’1 ASH et 1 AS du SMR Soins Médicaux et Réadaptation

Depuis 1 an, nous avons des cas de plus en plus lourds sans personnel supplémentaire et sans matériel adapté.

Pour le planning, nous ne sommes pas prévenues des changements ; les temps partiels, 80 et 60 % ne sont pas respectés. Le SMR comprend 50 lits au rez de chaussée et 21 lits au 1er étage, secteur 3. Nous sommes 6 pour le rez-de chaussée . Avant les patients relevaient surtout de la suite d’orthopédie ; maintenant ils présentent des multi-pathologie, soins palliatifs, maladie d’Alzheimer, cas psychiatriques …

Il faudrait pour ce service 1 AS en plus le matin et 1 l’après-midi

interview d’une AS en EHPAD

60 résidents dont certain.es présentant la maladie d’Alzheimer beaucoup de grabataires ou jà stimuler

Il y a 8 agents le matin + 2 postes hôteliers et 2 IDE en théorie ; En réalité depuis l’après covid il manque 1 IDE et les 2 postes hôteliers . Les AS servent les petits déjeuners + aide aux médicaments.

L’AM 4 AS + 2 postes d’entretien et 1 IDE Maintenant il y a un poste d’entretien en moins qui aidait au goûter à la vaisselle…

Un nouveau poste K4 a été mis qui ne fait que du ménage à la suite de plainte de familles qui voyaient des moutons dans les chambres, sachant que le personnel en procédure dégradée privilégie les soins aux patient.es. Les chambres sont plus propres mais il y a moins de personnels pour les soins donc le problème n’est pas réglé. Parfois il n’y a pas d’IDE l’après-midi.

La nuit elles ne se retrouvent souvent que 4 pour faire le travail.

Collectif 37 Notre santé en danger
collectifsante37@gmail.com